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Dans un sport où chaque point peut faire basculer un match, certains joueurs ont compris que le combat se joue aussi… en dehors de l’échange. Pas besoin de tricher, pas besoin de trafiquer les cordages ou les balles : il suffit de savoir gérer le temps.

Une pause toilettes bien placée, un arrêt médical (MTO, pour Medical Time‑Out) judicieusement demandé, un petit tour dans les vestiaires ou un enchaînement de tics entre deux services… et l’adversaire déraille.

Certaines de ces astuces ont tellement défrayé la chronique qu’elles ont mené à des modifications de règlement. Voici six exemples récents où le tennis s’est transformé en théâtre (tragi)comique.

Tsitsipas – Murray, US Open 2021

À deux sets partout, Stefanos Tsitsipas décide qu’il est temps… d’aller aux toilettes. Il y reste près de 7 min 45. Suffisant pour refroidir Andy Murray, qui perd pied dans la reprise. Et qui dégaine sur Twitter : « Il faut plus de temps à Tsitsipas pour aller aux toilettes qu’à Jeff Bezos pour aller dans l’espace. » Ce dernier, en effet, avait fait son aller-retour stratosphérique en 5 minutes 49. Depuis, on hésite encore à envoyer des fusées depuis Flushing Meadows.

Stefanos Tsitsipas & Andy Murray © Antoine Couvercelle/Dppi/Ipa Spo/Empics Entertainment/Photo News

Djokovic – Sinner, Wimbledon 2022

Mené deux sets à zéro en quart de finale, Novak Djokovic file aux vestiaires. Pause toilettes officielle, mais selon lui, c’est surtout « un moment pour se parler à soi-même devant le miroir ». Trois sets plus tard, Sinner est éliminé, et le miroir sans tain est devenu le meilleur entraîneur du monde. On ne sait pas ce que Novak s’est dit dans sa bulle, mais visiblement, ça marchait mieux qu’un speech de Pep Guardiola.

Tiafoe – Norrie, Wimbledon 2025

Cameron Norrie mène deux sets à un. Frances Tiafoe, jamais à court d’idées, disparaît des radars. Sept minutes et quinze secondes plus tard, il revient… changé. Pas en sueur, pas vraiment stressé, mais visiblement… réinitialisé. Sur les réseaux, les spectateurs s’agacent, les commentateurs s’étranglent, et certains réclament l’installation d’un sablier géant à Wimbledon. Pour que chaque pause ressemble un peu moins à une hibernation contrôlée.

Frances Tiafoe © Jordan Pettitt/PA/Photo News

Mannarino – Cerúndolo, Roland-Garros 2024

Mené au score, Adrian Mannarino appelle le soigneur pour un problème de mollet. Rien de choquant jusque-là. Mais dès la reprise, le Français court comme s’il venait de terminer une cure de thalasso. Les slices fusent, les jambes répondent, le match tourne. Cerúndolo, lui, regarde le bandage comme s’il contenait du Red Bull. C’est bien connu : les blessures les plus handicapantes sont souvent celles dont on se remet instantanément.

Putintseva – Kasatkina, Abu Dhabi 2023

Yulia Putintseva, menée 4–1, commence son festival : une pause médicale pour le dos, puis une autre pour la jambe, puis pour l’autre côté. À chaque arrêt, un regain d’énergie, une série de jeux remportés, une adversaire déstabilisée. Kasatkina, impuissante, finit par regarder le banc médical comme une boîte de Pandore. Certains l’ont surnommée la « chef d’orchestre des MTO » : elle connaît leur rythme mieux que ses schémas tactiques.

Yulia Putintseva Tennis
Yulia Putintseva © Paul Bonser/SPP/PsnewZ/Photo News

Nadal – tous les adversaires, tous les tournois

Rafael Nadal n’a pas simplement marqué l’histoire par ses titres : il l’a aussi fait par sa science du tempo. Avant chaque service, il s’essuyait, réarrangeait ses cheveux, repositionnait ses bouteilles, vérifiait ses chaussettes, rebondissait la balle… puis recommençait. Résultat : souvent plus de 25 secondes entre les points, parfois 30 ou 35. Cela a fini par exaspérer même Federer, qui lançait : « Ce n’est pas cool. »

Le souvenir d’un fan résume bien la chose : « On compare souvent Nadal et Djokovic sur les excès de timing… Mais Djokovic, lui, ne fait pas attendre son adversaire. Nadal… il fait durer la cérémonie. » Cette manie a mené à l’introduction d’une horloge de service (25 secondes) à partir de 2013. Comme quoi, parfois, une montre peut battre un bras gauche légendaire.

Rafael Nadal Tennis
Rafael Nadal © Sergei’ Vishnevskii’/Polaris/Photo News

Stratégie ? Comédie ?

Depuis 2022, l’ATP a revu sa copie : une seule pause toilettes par match (3 minutes entre deux sets, plus 2 minutes de rechange), un MTO unique par type de blessure, et une horloge de service affichée pour tout le monde. Mais le tennis reste un sport d’opportunistes : tant qu’il y aura des règles, il y aura des manières de les « modeler ». Certains appellent ça de la stratégie. D’autres, de la comédie. Le public, lui, oscille entre admiration… et envie d’acheter un chrono.

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Tennis

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